Aujourd'hui a été présenté le projet Catalonia in Venice | Bestiari | Carlos Casas, sous le commissariat de Filipa Ramos et produit par l’Institut Ramon Llull qui pourra être visité du 20 avril au 24 novembre à l'occasion de la 60ème Exposition internationale d'Art de la Biennale de Venise, dans le cadre des Eventi Collaterali.

Bestiari est une œuvre audiovisuelle immersive dans laquelle les visiteurs sont plongés dans un environnement hypnotique de sons et d'images qu'émettent des animaux et des créatures habitant les paysages naturels et imaginaires de Catalogne. Elle utilise comme point de départ le texte médiéval Disputa de l’ase, écrit en 1417 par Anselm Turmeda, considéré comme l'une des fondateurs de la littérature catalane. Le texte raconte l'histoire d'un homme qui est soumis à un procès par une assemblée d'animaux qui l'interroge sur la supériorité de l'homme par rapport aux autres êtres. Reproduisant les sons et les images de chauves-souris, d'abeilles, de dauphins, d'ânes, d'éléphants et autres animaux, Bestiari rend hommage aux animaux parlants du texte.

Une projection grand format réalisée à partir de la vision de chaque espèce crée des connexions hypnagogiques et place le visiteur à mi-chemin entre la veille et le rêve. Grâce à la spatialisation sonore Ambisonics 3D et les enregistrements d’infrasons, sont créées des fréquences qui vont au-delà de la portée sensorielle humaine.

Le directeur de l'Institut Ramon Llull, Pere Almeda, a souligné la connexion du projet avec les grands défis mondiaux qui interpellent le monde actuel : « la croyance dans laquelle les humains dominent le monde, et donc, tous les êtres vivants qui y habitent, nous a portés à la limite de l'effondrement écologique. Bestiari de Carlos Casas associe six cents années d'histoire entre la fable médiévale de Turmeda, l'un des premiers textes écrits en catalan, et la sensibilité d'une proposition contemporaine qui éveille notre conscience pour passer à l'action ».

La plupart des sons et des images de Bestiari ont été enregistrés dans 11 parcs ou espaces naturels protégés du territoire de Catalogne. À ce propos, Carlos Casas a affirmé que « il est essentiel de documenter ces paysages pour les futures générations et d'être les témoins de ces temps troublés et de l'impact qu'ils ont sur nos environnements. Pour moi, le son est un contenant et un canal pour me connecter à l'affect, et en dernier ressort, pour transformer les mentalités qui freinent tout progrès durable de notre part en tant qu'espèce ». Il a également signalé la participation du célèbre spécialiste du son, Chris Watson, dans certains enregistrements.

Les parcs naturels et les espaces protégés du territoire catalan où les enregistrements ont eu lieu pour Bestiari sont : le Parc naturel du Delta de l’Ebre, le Parc naturel del Cadí-Moixeró, le Parc naturel del Montgrí, les îles Medes et le Baix Ter, le Parc naturel et Réserve de la Biosphère du Montseny, le Parc naturel de Sant Llorenç del Munt i l’Obac, la Réserve naturelle de Mas de Melons et Secans de Lérida, l’Espace naturel protégé de la Serra del Montsec, l’Espace naturel protégé de la Serra de Boumort, la Réserve nationale de Caça de Boumort, le Parc naturel de l’Alt Pirineu et le Parc naturel du Cap de Creus. Le tournage a été fait grâce à la collaboration des responsables et équipes du Département d'action climatique, alimentation et agenda rural de la Generalitat de Catalogne et du Département des espaces naturels et infrastructure verte de la Députation de Barcelone.

L'approche curatoriale de Filipa Ramos se fait l'écho du sujet de la Biennale d'Art 2024, Foreigners Everywhere (Étrangers partout), sous le commissariat d'Adriano Pedrosa, et va au-delà d'une vision anthropocentrique pour y inclure le monde naturel. Selon Ramos, « Bestiari parle au présent, invoquant l'écologie et l'intelligence de la nature : imaginant des manières de vivre en harmonie avec le monde qui nous entoure, et en renforçant l'importance des perspectives multiples. Le projet propose la Catalogne comme territoire où un engagement conciliateur et non anthropocentrique avec le monde est possible ; un monde qui nous permet d'imaginer un futur différent pour les relations avec les autres espèces à travers le son et les images ».

Bestiari est assorti d'une publication, dans une édition réalisée par Ramos, qui recueille des textes avec des références, des faits et des récits qui surgissent du projet d'exposition de Carlos Casas. Comme s'il s'agissait d'un guide de terrain, il présente des sujets d'investigation et les motivations du projet, il contextualise les matériels de départ et présente chacun des animaux qui apparaissent dans l'installation à travers un récit bref, écrit par des autrices et des auteurs emblématiques, qui travaillent dans le monde de l'art, de l'écologie et de la littérature en Catalogne et à l'étranger. Chaque auteur a écrit sur un animal : Eva Baltasar (éléphant), Emanuele Coccia (abeille), Pilar Codony (âne), Yayo Herrero (perruches), Lucia Pietroiusti (serpents), Chus Martínez (dauphins) et Helena Vilalta (chauve-souris). Le livre contient également des textes de Pol Capdevila, Carlos Casas, Llúcia Martín, Albert Mestres, Filipa Ramos et Chris Watson. La publication a été éditée en catalan, anglais et italien.

Le projet englobe par ailleurs, un programme public, Animalesc, sous la responsabilité du professeur du Département des Humanités de l'Université Pompeu Fabra, Pol Capdevila. En novembre 2023, a eu lieu le premier séminaire à l'Université Pompeu Fabra de Barcelone, portant sur « Bestiaris. Maintenant et avant », avec la participation de Llúcia Martín (titulaire de la chaire de littérature catalane médiévale), Albert Mestres (écrivain et dramaturge, traducteur de Disputa de l’ase), Rafael Doctor (historien de l'art et peintre) et Eze Páez (philosophe des animaux). Deux débats sont prévus dans les mois qui viennent : l'un sur « les sons sauvages de Catalogne » qui se focalisera sur le langage de certaines espèces animales de Catalogne, et un autre sur « le son comme outil de préservation et d'expérience esthétique », qui réunira des experts en langage animal, bioacoustique, des artistes sonores et théoriques de l'art.

L'IRL produit et organise la participation de la culture catalane aux Eventi Collaterali de la Biennale d'Art de Venise depuis 2009. Le comité d'experts qui a choisi la proposition de cette année est composé de professionnels à la trajectoire internationale vaste et reconnue. La présidence du comité a été confiée à Elvira Dyangani Ose, directrice du Musée d'art contemporain de Barcelone (MACBA), et comprend les membres suivants : Marko Daniel, directeur de la Fondation Joan Miró (Barcelone), Ruth Estévez, Co-directrice de la Skowhegan School of Painting (Maine, États-Unis), Oriol Fontdevila, chercheur et professeur, curateur de l'exposition catalane à la Biennale d'art de Venise 2022, Ingrid Guardiola, directrice de el Bòlit - Centre d'art contemporain de Gérone et Andrea Lissoni, directeur artistique de la Haus der Kunst (Munich).

Carlos Casas (Barcelone) est cinéaste et artiste, et sa pratique englobe le cinéma, le son et les arts visuels. Ses œuvres ont été présentées lors d'expositions internationales telles que la Biennale de Venise, la Biennale de Shanghai, la Biennale de Bangkok et la Biennale d’Istanbul. Ses films ont été projetés et récompensés dans des festivals du monde entier, comme le Festival du cinéma de Venise, le Festival international de cinéma de Rotterdam, le Festival international de cinéma de Buenos Aires, le Festival international de cinéma du Mexique, CPH DOX de Copenhague et le FID de Marseille, pour n'en citer que quelques-uns. Des rétrospectives de ses films ont été présentées dans le cadre de festivals et dans des cinémathèques de villes telles que Madrid, Mexico et Bruxelles. Son œuvre a été exposée et représentée dans des institutions et des galeries d'art internationales comme le Tate Modern de Londres, la Fondation Cartier, le Palais de Tokyo, le Centre Pompidou de Paris, le NTU CCA de Singapour, le Hangar Bicocca, La Triennale de Milan, le CCCB Barcelone, le Matadero Madrid, le Musée national Centro de Arte Reina Sofía Madrid, MAAT Lisbonne, GAM Turin, Bozar et Kunsten Festival des Arts Bruxelles, entre autres. Il travaille avec la galerie àngels de Barcelone, et il est à l'heure actuelle directeur du programme de Fabrica, un centre de recherche près de Venise.

Filipa Ramos (Lisbonne) est docteure en Philosophie et en tant que curatrice, elle focalise ses recherches sur la manière dont la culture aborde l'écologie et comment l'art contemporain promeut les relations entre nature et technologie. Elle matérialise ses projets lors d'expositions, de textes, de conférences et de publications. Elle a été Directrice d'Art contemporain de la ville de Porto. En 2022, elle a assuré le commissariat de la 8ème Biennale Gherdëina (« Persones Persons ») et en 2021, elle a été co-curatrice de la 13ème Biennale de Shanghai (« Bodies of Water ») avec Andrés Jaque, Lucia Pietroiusti, Marina Otero Verzier et Mi You. Elle a collaboré aux éditions 2012 et 2017 de Documenta. Elle est commissaire d'Art Basel Film, et fondatrice de Vdrome, une plate-forme de cinéma et d'art. Co-fondatrice et coordinatrice du festival d'arts, humanités et sciences The Shape of a Circle in the Mind of a Fish, avec Lucia Pietroiusti, depuis 2018. En 2021, elle a été co-curatrice avec Chus Martínez de l’exposition collective « Feet of Clay » à la City Gallery de Porto. Avant cela, elle avait assuré le commissariat « Animalesque » au Bildmuseet d’Umeå (Suède) et au Baltic Centre for Contemporary Art de Gateshead (Royaume-Uni). Elle a été éditrice en chef d'art-agenda d’e-flux (2013-20) et éditrice associée de Manifesta Journal (2009-11). Son prochain livre, The Artist as Ecologist, sera publié par Lund Humphries en 2024. Elle est professeure dans le cadre du Programme de Master de l'Arts Institute de la Fachhochschule Nordwestschweiz, Bâle, où elle dirige les séminaires dédiés à l'art et la nature.