De la réinterprétation d'un patrimoine textuel et musical hérité de la tradition (y compris littéraire) à la déclinaison de genres artistiques hyper contemporains (hip hop, rap, trap...) dans une langue pourtant mise à l'écart des pratiques dominantes par la mondialisation culturelle, les scènes de la péninsule italienne, du sud de la France et de la péninsule ibérique témoignent de la vitalité et des enjeux qui animent ce terrain. Les chanteurs et groupes contemporains napolitains, sardes, marseillais, occitans et d'expression catalane en témoignent, de Sud Sound System à Ilaria Porceddu, de Massilia Sound System à San Salvador, de Zoo à Saïm et à The Tyets.
Ce choix artistique permet de faire convivre une réalité linguistique mise à mal par l'époque contemporaine, et de façon souvent simultanée et paradoxale, une volonté d'ouverture qui naît de l'inscription dans une réalité multiculturelle.
Les axes problématiques de la journée abordent la question de la confrontation entre héritage et innovation (de la recherche de l'authenticité de l'héritage, par la reproduction d'instruments anciens ou le collectage de textes, aux pratiques musicales vocales, électroniques et numériques les plus récentes), les rapports entre métropoles hyper urbanisées (Naples, Marseille, Barcelone) et territoires ruraux en redéfinition, dans un regard renouvelé par l'urgence écologique.
Dépassant le carcan d'une orientation « folkloriste » et nostalgique, la chanson en langues minorées se révèle un domaine d'expression artistique où les dynamiques locales, nationales et transnationales se croisent et s'interrogent, où la nécessité des échanges interculturels, du dialogue au sein de la diversité, sont des éléments majeurs qui en font un atout face aux défis que représente la nécessaire conjugaison de la conscience de soi et la rencontre de l'autre pour le monde contemporain.
Cette journée d'étude est la première étape de l'amplification d'une dynamique de recherche innovante sur la création en langues minorées dans l'espace nord-méditerranéen, après deux projets de recherche au sein du CAER : la journée d'étude « La chanson de langue d'oc contemporaine et l'Italie » (4 /10/2019) et le colloque international « Les Pays Catalans et la Provence : regards croisés » (10-11-12/10/20191).
Ainsi, les différentes séances ont été animées par des chercheuses et chercheurs universitaires spécialisés en langues romanes et en musique, sociologie ou anthropologie, en collaboration avec des professionnels experts du domaine de la diffusion musicale.
Estelle Ceccarini et Estrella Massip i Graupera (AMU) ont abordé quelques problématiques de la chanson contemporaine en langues minorées dans l'espace nord-méditerranéen, tandis que Serge Antunes parlait du panorama et des enjeux de la chanson contemporaine en catalan, alors que Médéric Gasquet Cyrus analysait les dynamiques sociolinguistiques chez Massilia Sound System et dans la chanson marseillaise contemporaine, en même temps que Maria Antón i Álvarez de Cienfuegos analysait les enjeux et pratiques de la rumba catalane en tant que chanson gitane transfrontalière et que Florence Courriol parlait d’Ilaria Porceddu, entre sonorités locales, langue sarde et revendications féministes sur la scène nationale... Entre autres.
En clôture de journée, une table ronde d’acteurs institutionnels investis dans le soutien de la chanson en langues minorées réunissait Jordi Fosas, directeur de Fira Mediterrània de Manresa – cultura popular i músiques del món; Cyril Gispert, directeur du Cirdoc-Institut Occitan de cultura; Marie-José Justamond, présidente fondatrice du Festivals Les Suds à Arles et Leo Virgili, directeur artistique de Suns Festival : European Festival of Performing Arts in Minority Languages.