Institut Ramon LLull

Le Musée des Abattoirs de Toulouse rend hommage au psychiatre Francesc Tosquelles

Arts.  Toulouse, 13/10/2021

L’exposition “La Déconniatrie. Art, exil et psychiatrie autour de François Tosquelles” coproduite par le musée toulousain avec le CCCB de Barcelone, le musée Reina Sofía de Madrid et l’American Folk Art Museum de New York, dévoile une histoire méconnue qui a fait date dans la psychiatrie au 20ème siècle et ses liens nouveaux avec l’art brut et l’art moderne. Elle prend pour point de départ le parcours du psychiatre catalan Francesc Tosquelles (1912-1994).




À partir du parcours de Francesc Tosquelles, fil rouge de l’exposition, sont questionnés les rapports entre art, exil et psychiatrie, et la notion de création dans le contexte de l’exclusion, de l’enfermement ou de l’hospitalisation. Il s’agit donc de conjuguer une histoire de l’art moderne à une histoire de l’art brut et de l’art contemporain, ainsi qu’à celle de la psychiatrie et du décolonialisme.

Les Abattoirs accueillent la première étape de ce projet d’envergure internationale, qui rassemble plus de 100 œuvres, aussi bien d’art moderne que celles créées par les patients dans l’hôpital, ainsi que des films inédits, des livres, des archives, des photographies et un volet d’art contemporain. Il circulera ensuite en 2022 au Centre de Cultura Contemporània de Barcelone, au Museu d’Art Modern de Tarragone et au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía à Madrid et en 2023 à l’American Folk Art Museum à New York, coproducteurs du projet.

L’exposition « La Déconniatrie » est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture / Direction régionale des affaires culturelles et bénéficie d’un soutien financier exceptionnel de l’État, ainsi que du soutien économique de l'Institut Ramon Llull et Acción Cultural Española. La Collection de l'Art Brut de Lausanne (Suisse) et l'IMEC la soutiennent également par les prêts d’œuvres. Commissaires : Carles Guerra, professeur à l’Université Pompeu Fabra et commissaire indépendant, Joana Masó, professeure de littérature française à l’Université de Barcelone et chercheuse à la Chaire UNESCO Femmes, Développement et Cultures ; Julien Michel, chargé de recherche aux Abattoirs ; Annabelle Ténèze, conservatrice en chef et directrice des Abattoirs.

Artistes et auteurs exposés : Karel Appel, Benjamin Arneval, Antonin Artaud, Paul Balvet, Raphaël Barontini, Georges Bataille, Roger Bernat, Albert Belloc, Jeanne Bonnafé, Lucien Bonnafé, Mohamed Bourouissa, Brassaï, Georges Canguilhem, Giuseppe Capone, Georgette Chadourne, Jean Combier, Auguste Chauvin, Frédéric Delanglade, Fernand Deligny, Eugène Deslaw, Jean Dubuffet, Maxime Dubuisson, Éric Duvivier, Paul Éluard, Frantz Fanon, Jean Fautrier, Gaston Ferdière, Celestino Ferrando Marti, Auguste Forestier, Michel Foucault, Galo, Joséphine Guattari, Aimable Jayet, Allan King, Yayoi Kusama, Maurizio Lazzarato, Léon Marguerit, Agnes Martin, Agnès Masson, Jacques Matarasso, Angela Melitopoulos, Jean-Baptiste Metge, Henri Michaux, Myriam Mihindou, Margaret Miller, Joan Miró, Roméo Mivekannin, François Pain, Alejandro Parriego, Jean Paulhan, Perejaume, Josep Ponti Musté, Hans Prinzhorn, Marcel Réja, Alejandra Riera, José Roa, Mario Ruspoli, Enrique Sales, Salvadore Sales, Francisco Saura, Léon Schwarz-Abrys, Marguerite Sirvins, Nancy Spero, François Tosquelles, Hélène Tosquelles, Tristan Tzara, Romain Vigouroux, Gérard Vulliamy...

La collaboration de l’Institut Ramon Llull rend possible en particulier l’installation du plasticien catalan Roger Bernat mettant en scène les films de Tosquelles à Saint-Alban durant les années 1950-1970, issus des archives de l’Institut Jean Vigo.

Recherche et édition

Ce projet est le fruit d’une recherche préalable menée depuis 2017 par Joana Masó, professeure chercheuse de l’Université de Barcelone, et par Carles Guerra, alors directeur de la Fundació Antoni Tàpies, sous le titre « L’heritage oublié de Francesc Tosquelles » qui a bénéficié du soutien économique de Cellex / Fundació Pere Mir-Puig à travers une convention de collaboration avec l’université de Barcelone et la Fundació Antoni Tàpies.

À côté du volet expositif, cette recherche a permis également l’exhumation, traduction et édition de textes peu connus de Tosquelles ou en lien avec son entourage professionnel et intellectuel, publiés sous la forme d’un volume indépendant qui accompagne l’exposition. La maison d’édition Arcàdia publie les versions catalane et espagnole, Blomsbury publie la version anglaise, tandis que la version française est publiée par L’Arachnéen sous le titre François Tosquelles. Soigner les institutions, avec le soutien de l’Institut Ramon Llull.

Cette publication comprend une étude approfondie des différentes époques et projets à partir desquels Tosquelles est devenu le catalyseur de changements, de ruptures et de révolutions qui traversent les sphères de l'institution psychiatrique, la production culturelle qui l'entoure et la résistance politique aux fascismes des années 1930 et 1940. La sélection de textes de Tosquelles met au jour des écrits inédits ou introuvables, auxquels s'ajoutent de nombreux essais de chercheurs internationaux qui ont découvert chez le psychiatre de Reus une figure d'une importance critique. Une chronologie et une bibliographie étendues et détaillées complètent l'édition avec des données récemment découvertes.

Francesc Tosquelles

Le parcours intellectuel de Francesc Tosquelles (Reus, 1912 - Granges-sur-Lot, 1994) est l’un des plus fascinants du XXe siècle en Catalogne. Le début de sa pratique psychiatrique remonte à son passage par l'Institut Pere Mata à Reus, au milieu d'une révolution dans la façon de comprendre les traitements et les institutions qui traitent les maladies mentales opérée à partir de 1929 avec le grand congrès des “aliénistes" qui voulait soigner la vie des malades avec de meilleures conditions et des thérapies d'avant-garde. Disciple d'Emili Mira, mais attentif aussi aux théories d'Hermann Simon, Strauss et Jacques Lacan, Tosquelles articulera psychanalyse et marxisme pour poser les bases de ce qu'on appellera la psychothérapie institutionnelle. Elle se nourrit en partie des innovations originales introduites par le gouvernement autonome de la Catalogne et par la Seconde République espagnole pendant les années 20 et 30. Ainsi, la « cantonalisation » des services psychiatriques en Catalogne se traduira dans l'après-guerre dans ce qu'on appelle en France la psychiatrie de secteur, que Tosquelles contribuera à faire passer comme une loi du gouvernement français dans les années 1960: une psychiatrie désaliénante, portée par des activités communes comme le cinéma, les clubs et les journaux dont le fameux journal interne Trait d’union. L’urgence humanitaire pendant la Guerre Civile espagnole et la Seconde Guerre Mondiale marquera l'attitude pragmatique qui amène Tosquelles a faire de la psychiatrie une tentative limite pour sauver les personnes des catastrophes grâce à la socialisation et aux soins entre égaux.

Déjà à Reus au début des années 1930, Tosquelles faisait le lien entre l'avant-garde psychiatrique et l'avant-garde culturelle, comme en témoignent ses liens avec le BOC-Bloc Obrer Camperol et le POUM-Partit Obrer d'Unification Marxista, en parallèle à ceux des surréalistes Salvador Dalí et René Crevel, qui ont collaboré avec le BOC dès 1931.

Après ces premiers temps en Catalogne, c’est son passage par l'hôpital de Saint-Alban- sur-Limagnole entre 1940 et 1962, après son passage dans le camp d’internement de Septfonds ce qui permet d’éclore complètement le projet révolutionnaire de Tosquelles. Dans l’hôpital où il travaille, il fait alors émerger de nouvelles pratiques de soin basées sur le collectif, le travail et la création artistique par les patients dont le travail sera notamment collectionné par Jean Dubuffet sous l’appellation d’art brut. Il y coïncida avec le Dr. Lucien Bonnafé, le poète surréaliste Paul Éluard, le théoricien dadaïste Tristan Tzara, le médecin, philosophe et historien de la folie George Canguilhem, ainsi que l'écrivain, psychiatre et critique du colonialisme Frantz Fanon. Tous des noms associés à l'avant-garde culturelle et politiques, et aussi à la critique institutionnelle de la médecine et de la psychiatrie. Le rôle des femmes dans cette expérience inédite et collective se révèle également majeur (Agnès Masson, Marguerite Sirvins, etc.).

La Déconniatrie. Art, exil et psychiatrie autour de François Tosquelles

Du 14 octobre 2021 au 6 mars 2022

Les Abattoirs, Musée – FRAC Occitanie Toulouse

76 allées Charles-de-Fitte

31300 Toulouse

François Tosquelles. Soigner les institutions

François Tosquelles, Joana Masó

Éditions L’Arachnéen, novembre 2021

400 pages

« Moi, la psychiatrie, je l’appelle la déconniatrie. Mais, pendant que le patient déconne, qu’est-ce que je fais ? Dans le silence ou en intervenant – mais surtout dans le silence –, je déconne à mon tour. »
François Tosquelles. Une politique de la folie, réalisé par François Pain, Danièle Sivadon et Jean-Claude Polack, 1989


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