Institut Ramon LLull

Le Centre d’études catalanes de la Sorbonne revisite l’œuvre des « Catalans de Paris », groupe d’artistes conceptuels des années 60 formé par Miralda, Selz, Rabascall, Rossell et Xifra

Arts.  Paris, 07/12/2021

Après avoir consacré deux expositions individuelles à Jaume Xifra et à Joan Rabascall, le Centre d’études catalanes de la Sorbonne organise le 7 décembre une journée d’études consacrée à l’ensemble des « Catalans de París », artistes d’avant-garde installés à Paris pour fuir la dictature franquiste qui participèrent activement à l’éclosion d’une nouvelle tendance post-Duchamp à partir du détournement du réel.




Des critiques d’art tels qu’Alexandre Cirici Pellicer ou Maria Lluïsa Borràs ont réuni sous cette étiquette un conglomérat de personnalités très différentes mais qui partageaient un parcours marqué autant par leur prise de position politique que par leurs options esthétiques d’avant-garde. Antoni Miralda (Terrassa, 1942), Joan Rabascall (Barcelone, 1935), Benet Rossell (Àger, 1937 - Barcelone, 2016) et Jaume Xifra (Salt, 1934 - Paris, 2014) ont quitté un pays où la dictature éclipsait toute forme de créativité pour Paris, qui incarnait une alternative à l’hégémonie américaine de l'époque, où ils ont côtoyé d’autres figures hétérodoxes comme Zush, Frédéric Amat et Francesc Torres.

Pour le groupe d'artistes catalans débarqués à Paris dans les années 1960, le « Nouveau Réalisme » promu par le critique nord-catalan Pierre Restany (1930-2003) était le cadre conceptuel de référence. Comme l'explique Eric Forcada, il s'agissait d'une « plate-forme de base qui réunissait des artistes aux lignes différentes (objectifs, affiches, irrationalistes) basées sur le plus petit dénominateur commun, c'est-à-dire l'appropriation du réel ». Un geste qui a marqué de manière irréversible la grande rupture de la scène artistique d'après-guerre et a permis à une nouvelle et riche ère de l'après-Duchamp de s'épanouir loin des États-Unis, avec une participation catalane plus que remarquable.

Chaque auteur proposait une voie complémentaire de celle des autres. Miralda, peut-être la plus « colorée » de toutes, noua une série de collaborations fructueuses avec Dorothée Selz et plus tard avec Montse Guillén pour faire de la nourriture et des rituels associés au banquet l'objet de leur travail artistique avec un art qui devient comestible et se partage lors de cérémonies collectives.

Au fil des années, il a réalisé de grandes installations dans un langage anticonformiste, vivant, baroque et kitsch. Dans des œuvres majeures comme Honeymoon Project, mariage symbolique entre la statue de Colomb à Barcelone et la Statue de la Liberté à New York, il utilise une activité universelle comme la nourriture pour mener à bien une déconstruction des préjugés dans un monde déjà global. Son ethnologie gastronomique a reçu une large reconnaissance internationale. Depuis 2000, Miralda se concentre sur le FoodCulturaMuseum, une archive de multiples projets basés sur la recherche et la réflexion autour de la diversité alimentaire et sa relation avec les cultures du monde. Basé à Miami et à Barcelone, il explore et diffuse la culture culinaire à travers du matériel audiovisuel, de la musique, des livres, du mobilier et tous types de documents.

Rabascall adopte un discours critique plus explicite après avoir rencontré des personnalités comme les intellectuels Lawrence Alloway et Pierre Restany et fait de la télévision l'un des éléments les plus récurrents de son œuvre en l’abordant depuis de multiples perspectives : en tant qu'icône, objet, souvenir, sculpture, élément de communication et fétiche.

Il est un des d’artistes à l’origine du mouvement « Art sociologique » et son œuvre personnelle est basée, au départ, sur la technique du collage et l’imagerie de son époque (Mass Media et Dialogue 1967) avec un parti pris de détournement du message premier, mais très vite il adopte la technique du photomontage et le report sur toile émulsionnée lui permettant la réalisation d’œuvres de grand format. Il centre son travail sur la critique de l’idéologie sous-jacente, dans les messages de communication de masses. Pour cela, il utilise l’association d’images et d’idées extraites de ce même circuit (Kultur, La leçon de peinture américaine, 1972).

Comme la critique Pilar Parcerisas l’a souligné, Jaume Xifra « a été un artistes unique issu de la collaboration culturelle entre la Catalogne et la culture française. Il s’installe en France en 1959, d’abord à Marseille, puis à Paris où il devient l’assistant du sculpteur Apel·les Fenosa puis de César. Il devint artiste, inventeur et pédagogue. Il est difficile de trouver une définition juste de sa polyvalence. À la fin des années 1960, il part vivre au Chili, rejoindre une avant-garde artistique alors en pleine ébullition. Il y expérimente la peinture au spray. De retour en Europe, il concentre sa pratique autour de la performance et des rituels dans un esprit Fluxus, en pleine période de contre-culture. Il se tourne ensuite vers l’art vidéo. Jaume Xifra a enseigné à l’Ecole des beaux-arts de Dijon. Artiste pluridisciplinaire, ses œuvres figurent dans les collections du Macba de Barcelone et du musée Reina Sofia de Madrid.

Benet Rossell incarnera à son tour la version la plus académique du groupe : diplômé en droit et en sociologie, puis diplômé en théâtre à Paris en 1964, où il étudie également le cinéma ethnographique au Musée de l'Homme, dirigé par Jean Rouch, sa contribution s’étend sur différents domaines, en commençant par le cinéma et en terminant par un art presque minimaliste…

Leurs plus importantes manifestations ludiques multimédias entre 1969 et 1978 étaient proches du happening et cherchaient une participation importante du public, visant à ériger des rituels laïcs qui tissent les nouveaux liens sociaux de la société contemporaine : Noir mauve et barbe à Papa, American Center, Paris, 1969 ; Mémorial, Verderonne, 1969 ; Rituel blanc, Saint-Moritz, 1969 ; Fête du fil, Rennes, 1970 ; Fête en blanc, Verderonne, 1970 ; Le Grand Départ, Verderonne, 1971 ; Cérémonie-rituel en quatre couleurs, Kürten, 1971 ; Le Fête des ballons, Châtillon-sous-Bagneux, 1971-1972-1973 ; Célébration de l'été, Verderonne, 1971 ; Rituel en 4 couleurs, Parc Floral de Vincennes, Biennale de Paris 1971 ; Rituel multi-couleurs, Ibiza, 1972 ; La Dernière Poutre, Paris, 1975.

Sous le titre de : « Une aventure artistique des années 60 : Les Catalans de Paris », le Centre d’études catalanes accueille le 7 décembre de 17h30 à 20h dans la Salle des Actes de la Sorbonne une table ronde réunissant les artistes vivants du groupe, Dorothée Selz, Antoni Miralda et Joan Rabascall, accompagnés par Pilar Parcerisas, critique d’art ; Antoni Pinent, critique d’art et cinéaste, et Àlex Mitrani (Museu Nacional d’Art de Catalunya).

Inscriptions indispensables par téléphone au 01 42 77 65 69 ou par courriel : lettres-etudescatalanes-secretariat@sorbonne-universite.fr

Pour celles et ceux qui ne pourraient pas être présents (es), la modalité virtuelle est prévue sur zoom:

https://us02web.zoom.us/j/83275357718?pwd=SjRVa21rRGlHSERKMzJqWko1Wk1Jdz09

ID de réunion : 832 7535 7718

Code secret : 660936

Informations extraites en partie de l’article d’Eudald Camps : « Els catalans de París ».


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