Institut Ramon LLull

ESPACES DE FUSION : quand les restrictions deviennent des options. Compte rendu sur un cycle de débats à propos de la digitalité dans le domaine culturel et ses pratiques.

paperllull.  ONLINE, 18/11/2021

En décembre 2020, nous, Gila Kolb et Aina Tur, avons été chargées par l'Institut Ramon Llull, en collaboration avec le Goethe Institut de Barcelone, d'animer un cycle de débats transnationaux en ligne. Ces rencontres avaient pour objectif de déterminer comment les agents culturels avaient fait face à l'urgence de la pandémie mondiale, et dans quelle mesure cette situation avait changé la façon de créer et de partager les expériences culturelles. Près d'un an après avoir relevé ce défi, nous résumons dans cet article ce que ces débats, leurs invités et leurs publics, nous ont permis d'apprendre et de désapprendre. Nous rapportons également les questions et les doutes soulevés par toutes les personnes issues de disciplines, cultures et pays différents ayant participé à ces rencontres et discussions.




ESPACES DE FUSION : quand les restrictions deviennent des options. Compte rendu sur un cycle de débats à propos de la digitalité dans le domaine culturel et ses...

La curation en soi a été pour nous un véritable processus d'apprentissage, dans la mesure où nous appartenons à des horizons différents : Gila Kolb, chercheuse en éducation artistique, vit entre l'Allemagne et la Suisse.

Aina Tur, écrivaine et agente culturelle, réside en Espagne. Dans ces conférences, nous avons réalisé qu'il nous fallait intégrer les approches complémentaires que nous avions sur les mêmes sujets, ce qui, bien entendu, a eu un impact important sur le choix des personnes invitées.

Nous avons voulu mettre en parallèle des voix et des perspectives différentes dans les domaines de la théorie de l'art et de la numérisation, des agents institutionnels et individuels de la culture, mais aussi des artistes et des créateurs. Notre objectif était d'offrir un espace de réflexion à celles et ceux qui travaillent dans les domaines culturels et savent ou ne savent pas comment faire face à la nouvelle situation de la pandémie et aux restrictions locales et mondiales qui lui sont associées. L'objectif de cette série de conférences était de comprendre un certain nombre de logiques associées au domaine des arts de la scène, leurs relations avec le numérique et l'espace public.

Il était donc important de comprendre ce qui se passait et ce qui se passe encore, mais aussi de s'intéresser aux projets actuels et futurs, d'identifier de nouvelles voies à suivre, et de connaître les outils et les stratégies utilisés par les autres. En bref : existe-t-il de nouvelles voies pour les expériences culturelles dans des formats numériques ou hybrides ? Ou s'agit-il plutôt de reproduire, sous une forme différente, des expériences déjà familières ?

Après de nombreuses réunions et discussions prolifiques en ligne, nous avons décidé d’adopter un titre qui permette de refléter cette démarche complexe pour ce cycle de débats : ESPACES DE FUSION. Quand les restrictions deviennent des options. Nous voulons par cela souligner que la situation causée par la Covid-19 a conduit les artistes, conservateurs, chercheurs et institutions culturelles à supprimer plus que jamais les frontières entre le numérique, l'espace public et les moyens traditionnels de se réunir pour partager une expérience culturelle.

Aussi avons-nous décidé que cette rencontre se déroule sous un angle positif, ce qui signifie que nous avons essayé de mettre un voile sur ce qui a été perdu, à savoir l'expérience partagée, pour nous tourner vers les possibilités offertes par une telle situation. Nous avons ainsi décliné l'espace de discussion en trois volets : comment tirer les leçons de ces circonstances, les chances et les défis liés à la transformation numérique et la modulation des espaces publics. Pour chaque débat, nous avons invité une agente culturelle allemande et une agente culturelle espagnole, mais aussi une créatrice chargée, par son intervention artistique, d'introduire les discussions sur le sujet abordé.

Pour commencer par un aperçu général sur la manière dont la pandémie a renforcé les pratiques culturelles et la recherche dans les domaines numériques, et comment cela a donné lieu à des positions controversées, d'amour ou de haine, envers les expériences en ligne, nous avons ouvert le premier débat par une question : NOUS AIMONS LA DIGITALITÉ. LA DIGITALITÉ NOUS AIME-T-ELLE EN RETOUR ? Notre intention était de jouer avec l’agentivité de la digitalité, sachant que nos sentiments et nos expériences à son égard sont variés et souvent intenses.

Pour aborder ce sujet aux multiples facettes, nous avons invité Mónica Rikić (artiste des nouveaux médias et codeuse créative), qui a ouvert la séance par une intervention artistique, ainsi que Judit Carrera (directrice du CCCB) et la Prof. Dr. Martina Leeker (artiste et chercheuse), avec qui nous avons voulu lancer le débat en posant les questions suivantes : comment un centre culturel multidisciplinaire peut-il faire passer sa production de connaissances de l'analogique au numérique ? Et comment le contenu se transforme-t-il ? Et comment l'espace se transforme-t-il ? Comment le numérique modifie-t-il la perception et la mise en scène du corps performant ?

Pour les deuxième et troisième débats, nous avons décidé d'adopter une approche plus ciblée, c'est pourquoi nous les avons appelées AU TRAVAIL, chaque conférence ayant un sujet spécifique : « La transformation numérique des arts de la scène », et « L'espace public en tant que scène culturelle ». Les invitées au deuxième débat étaient Fefa Noia (directrice adjointe du Centro Dramático Nacional) et Jun. Konstanze Schütze et Alla Popp (toutes deux du Festival dgtl fmnsm). Nous les avons conviées à participer à une conversation dans laquelle elles partageraient leurs réflexions et leurs perspectives sur les arts du spectacle et le numérique. Le débat s'est ouvert sur l'intervention artistique de Laia Duran (danseuse et créatrice), qui nous a aidées à créer l'atmosphère nécessaire pour débattre autour des questions suivantes : quelles possibilités la programmation en ligne offre-t-elle à votre institution culturelle ? Comment faites-vous pour garder le contact avec le public ? Comment gérez-vous le fait de travailler en ligne pour être en ligne ? Comment créez-vous un espace féministe commun ? Comment créez-vous une rencontre communautaire ?

Dans le cadre de la curation de ce cycle de débats, nous avons également voulu offrir une perspective sur les usages réels et potentiels de l'espace public avant, pendant et après la pandémie. À cet effet, pour cette troisième conférence, nous avons invité Alina Stockinger (fondatrice et membre d'Eléctrico 28), qui nous a présenté une intervention artistique qui se déroule au sein de l'espace urbain et s’adresse à une audience numérique. Nous avons également compté sur la participation d'Anna Giribet (directrice artistique de la Fira Tàrrega) et de Kathrin Tiedemann (directrice artistique et directrice générale du FFT de Düsseldorf) pour réfléchir à ces questions : quelles sont les particularités de l'espace public en tant que scène culturelle ? Que peut-on faire en dehors des lieux conventionnels ? Quel est le public dans ce cas ? Quels sont les bénéfices apportés par les approches communes et collectives de l'espace urbain ?

Le succès de l'événement a dépassé nos attentes. Notre principal objectif était de réunir des professionnels de la culture dans une salle numérique pour partager des idées, des concepts, des expériences et des œuvres d'art, et c'est exactement ce qui s'est passé, avec un résultat très prolifique et fécond. Nous avons eu des auditeurs dans le monde entier. Au terme de ces débats, nous nous sommes rendu compte que de nouvelles questions s’étaient ajoutées aux questions principales ayant servi de point de départ aux discussions. Nous considérons cela comme un gage de réussite, dans la mesure où il est toujours positif de s'ouvrir, de s'interroger sur ses méthodes et de progresser. Ainsi, sans essayer d'entrer dans chaque question à laquelle il a été répondu ou qui a été formulée au gré des débats, nous aimerions apporter notre vision particulière des différents thèmes débattus, ainsi que des leçons apprises et désapprises au cours des trois conversations, dans lesquelles différents sujets, visions et perspectives ont été abordés de manière complémentaire.

Venons-en donc à la manière dont nous partageons nos différents points de vue sur les domaines du numérique et l'espace public dans le cadre des pratiques culturelles à l’issue de nos conversations avec Judit Carrera, Martina Leeker, Mónica Rikić, Fefa Noia, Konstanze Schütze, Alla Popp, Laia Durán, Anna Giribet, Kathrin Tiedemann et Alina Stockinger. Pour cela, nous allons focaliser cette deuxième partie de notre propos sur trois points : comment les confinements ont accéléré le processus de numérisation, comment la numérisation change notre rapport avec les expériences culturelles et comment l'espace public peut être mis à profit en tant que zone de contact pour les expériences culturelles. Nous mènerons ces réflexions dans le souci de transmettre les difficultés et les perspectives que cette période controversée a apportées aux agents culturels.

D'un côté, nous nous accordons tous sur le fait que la numérisation, comme l'a souligné Judit Carrera, « est un scénario bien connu qui n'est pas nouveau pour les institutions culturelles ». Quoi qu'il en soit, la pandémie n'a fait qu'accélérer la révolution numérique qui était déjà en cours. Notre volonté est donc de considérer cela comme un processus, et non pas comme un phénomène temporaire. Au cours des dernières décennies, nous avons pu constater à quel point la révolution technologique a transformé la manière dont nous produisons, accédons, diffusons et percevons la culture, la connaissance et la créativité. Ce fait est lié à la notion même d'Internet. Plus précisément, comme l'a exprimé Konstanze Schütze « ce n'est pas Internet, mais plutôt un état d'esprit ». Nous devons également souligner qu'Internet, ou l'état d'esprit qui lui est associé, possède sa propre agentivité, dans la mesure où il modifie notre vie quotidienne de manière constante, et pas seulement en période de pandémie. Nous savons néanmoins tous qu'il est tout simplement devenu plus perceptible en raison des restrictions que nous avons vécues.

D'une certaine manière, le besoin d'être ensemble au même endroit pendant le confinement et de partager une expérience culturelle nous pousse à chercher des outils et d'autres moyens de rendre ce genre de rencontres possibles. Nous avons donc utilisé les outils que nous offre la numérisation pour nous rencontrer et partager, même si les relations que nous avons entretenues se sont déroulées à longue distance. Comme l'a souligné Martina Leeker, un nouvel espace partagé est en train d'émerger avec le numérique : les zones horaires, ce qu'elle a appelé un nouveau sens du vivant.

Cela nous amène à des questions comme : comment pouvons-nous partager le même temps, mais pas le même espace ? Comment le partage d'écran peut-il causer des perturbations ? Le numérique est-il accessible à tous ? Il y a ici certains inconvénients qui apparaissent, comme le biais introduit par la programmation, si l'on en croit les nombreuses discussions sur les algorithmes racistes. Et que se passe-t-il s'il n'y a tout simplement pas d’appareil du tout ? Tout le monde n'a pas eu un accès direct aux outils numériques pendant les confinements. Alors, comment rester connectés et garder les portes virtuelles ouvertes malgré tous les obstacles ? Enfin, et ce n'est pas le moins important, il est nécessaire de s'interroger sur l’agentivité et la co-agentivité des humains et des machines. Pour cela, nous nous appuyons sur la citation d'un invité aux débats, Nil Martín : « Tant que nous, humains, aimerons et détesterons le numérique, le numérique nous rendra cet amour et cette haine... ». Concentrons-nous donc sur nos expériences d'amour et de haine avec le numérique !

Au cours de cette période, les professionnels de la culture ont cherché de nouvelles solutions numériques pour se connecter aux expériences culturelles, ce qui a fait apparaître de nouveaux scénarios que nous n'aurions jamais pu imaginer il y a encore deux ans. Dans la deuxième présentation, Fefa Noia, directrice adjointe du Centro Dramático Nacional, nous a décrit comment l'institution a poursuivi ses activités sous la devise #LaVentanaDelDramatico lorsque les salles se sont fermées. Son institution a eu un impact favorable à plusieurs niveaux : en mélangeant les disciplines, en établissant des dialogues entre les personnes, et pas seulement dans le domaine des arts de la scène, mais aussi en créant de nouveaux formats reflétant les sentiments des gens à un moment précis du confinement.

Néanmoins, dans le cas du théâtre, il est toujours difficile d'établir un dialogue entre le numérique et les spectacles en direct, car ce sont les événements de la vie qui constituent l'essence même du théâtre : pour voir, entendre, sentir et ressentir la présence d'une situation, l'espace généré dans un moment collectif ne peut pas être recréé à travers des appareils numériques. La transformation numérique des arts de la scène ne doit pas conduire au remplacement des événements en direct par des événements numériques. Si les outils et formats numériques ont été une solution temporaire, les offres en ligne n'ont jamais remplacé les spectacles en direct. Le besoin de rencontres humaines est toujours présent, mais la crise liée à la pandémie de Covid-19 a donné l'occasion d'essayer de nouveaux modes relationnels que l'on n’aurait jamais imaginés auparavant.

Dans le cadre de cette transformation numérique, le collectif dgtl fmsm a focalisé ses interventions sur la fusion des concepts de performativité et digitalité. Leur travail s'est centré sur l'impossibilité de la performativité dans les domaines numériques tout en créant des paysages imprégnés d’un accès non biaisé. Cela a soulevé des questions fondamentales sur les pratiques de création d'espaces au sein des institutions qui utilisent le numérique : comment ouvrir un espace sans le fermer ? Comment rendre un espace numérique inclusif et accessible ? Qui peut y assister ? À qui s'adresse-t-il ? À qui non ? Comment construire et maintenir un espace virtuel ? Comment construire une communauté dans le domaine virtuel ? Comment construire des réseaux durables avec des acteurs et des voix sous-représentés ?

Ce qui est certain, c'est que les artistes, les chercheurs et les agents culturels ont besoin de plus de temps et d'expériences numériques pour obtenir des réponses claires à toutes ces questions. Les expériences comme cecycle de débats visant à partager les pratiques, les points de vue et les doutes doivent également se multiplier. Parfois, ils ne peuvent pas changer le fait, par exemple, d'une programmation biaisée, mais ils peuvent attirer l'attention sur un tel fait. La numérisation est un processus qui se produit, avec ou sans notre participation. Mais si nous participons, nous devons prendre en compte les pratiques, les logiques et les hégémonies. Et il y a encore beaucoup à expérimenter.

Nous ne voudrions pas conclure ce point sans mettre l'accent sur les conséquences de la transformation numérique pour le public : le contact avec une institution culturelle ne tient plus qu'à un glissement de doigt sur nos appareils numériques. Si l'accès à un film, une exposition ou un spectacle de danse n'est plus possible qu'à travers cette interface, la relation entre le producteur et le public change. Comme le souligne Judit Carrera : « La fin de la dichotomie entre le producteur et le public, qui nous a conduits à favoriser des espaces plus horizontaux, plus ouverts et plus participatifs. Les hauts lieux culturels ne sont plus des temples de la culture, mais des espaces intersectoriels destinés à l'échange, au dialogue, à la conversation publique, à la rencontre, mais pas nécessairement dans le cadre d'une institution culturelle encyclopédique et poussiéreuse. »

Nous nous orientons donc davantage vers des expériences favorisant la participation d'un public qui sinon, ne se déplacerait probablement pas, parce qu'il peut arriver, dans la vie réelle, qu’entrer dans un théâtre soit également une expérience peu familière ou déstabilisante. La relation devient alors à la fois plus facile, parce qu'elle n'est peut-être qu'à un clic de distance, et plus difficile, dans la mesure où l'événement suivant n'est lui aussi qu'à un clic de distance.

Enfin, nous aimerions examiner l'utilisation de l'espace public en tant que zone de contact pour les expériences culturelles. Nous avons tous pu voir que pendant les périodes de confinement, les artistes et les institutions culturelles se sont déplacés vers l'espace public : balcons, toits, rues, places, églises et garages se sont révélés être de nouvelles scènes possibles. Or, les rues n'étaient pas vides avant et pendant la pandémie, comme l'a souligné Anna Giribet dans le troisième débat : « Nous ne pouvons pas nier qu'il existait déjà un groupe d'artistes qui exercent aujourd’hui, mais exerçaient aussi auparavant, leur métier dans les rues et dans l'espace public. »

Aujourd'hui, la rue, avec toutes ses potentialités, constitue un enjeu central. Or, selon Anna Giribet, l'un des bons côtés de cette terrible pandémie est que les gens se rendent compte à quel point l'espace public joue un rôle important dans la vie, en tant que bien commun, lieu d'échange culturel et de rencontre pour les personnes âgées, pour les plus jeunes, pour promener son chien... Et c'est un espace de liberté. Mais d'un autre côté, nous avons également découvert à quel point l'espace public pouvait être contrôlé et réglementé par la surveillance.

Cela nous conduit aux questions soulevées par Kathrin Tiedemann, qui nous aident à avancer dans nos réflexions : à qui appartient réellement l'espace public ? Est-ce qu'il appartient à l'artiste ? Est-ce qu'il appartient à tout le monde ? Ou peut-être est-il devenu de plus en plus un espace privé parce qu'il est détenu par des investisseurs et que ceux-ci ont beaucoup d'influence sur ce qui semble public, mais ne l'est plus ?

Au cours de la troisième conversation, nos discussions et nos échanges nous ont fait prendre conscience qu'il restait encore beaucoup à faire, malgré la nécessité d'utiliser l'espace public comme une zone de contact, entendue comme un espace social où différentes cultures peuvent se rencontrer, négocier et argumenter de façon simultanée. Après tout, les espaces communautaires ont un potentiel d'utilisation que nous n'avons pas encore exploité en tant que citoyens.

En résumé, et à la lumière de tout ce que nous avons partagé sous le titre ESPACES DE FUSION, la pandémie a en quelque sorte accéléré la question de savoir comment nous pouvons partager ensemble des expériences culturelles, comment nous pouvons créer des zones de contact lorsque nous ne pouvons pas nous rencontrer dans un lieu traditionnel. Nous sommes d'accord pour dire que les contraintes récentes liées à la pandémie ont catalysé des formes de relations dans les espaces numériques et publics. Ce type de propositions existait déjà, mais la situation nous a conduits vers de nouveaux scénarios et de nouvelles façons d'entrer en relation avec eux, et a également fait naître un grand nombre de doutes, de questions et de sentiments controversés sur la façon dont nous les aimons et les détestons. Comme nous l'a dit Alla Popp dans le deuxième débat : « C'est une question de perspective. » Elle ne croit pas que le numérique pourra un jour remplacer l’espace physique tel que nous le connaissons aujourd'hui, mais qu'il nous offre de nouvelles possibilités, qui sont aussi des options...

Il est important de souligner que les espaces numériques et publics sont également des lieux d'engagement et d'interaction avec le public. L'espace public permet aux individus de jouer des rôles différents de ceux, par exemple, d'un espace privé. Il en va de même pour l'espace numérique, dans la mesure où il facilite l'accès à des espaces ayant des capacités physiques différentes. Cela sans oublier que les espaces en ligne sont en quelque sorte privés et publics à la fois, et qu’ils permettent à différents publics de participer dans la même zone horaire.

Néanmoins, et comme nous l'avons déjà mentionné, la technologie n'est jamais neutre. Nous devons apprendre à savoir au contraire qui a accès à la technologie, qui la crée et qui en détient la connaissance. Or, cela s'applique également à la définition de ce qu'est l'art et de ce qu'il n'est pas. À savoir : comment pouvons-nous utiliser la technologie ? Que peut nous apprendre l'utilisation des technologies dans les arts (de la scène) ?

Les débats ont par ailleurs ouvert un troisième espace dans lequel nous avons pu communiquer, échanger, inspirer et nous inspirer.

Nous avons constaté à quel point la présence de l'autre dans la même pièce nous a manqué. Mais en même temps, nous avons créé des rencontres qui auraient été difficilement possibles dans la vie réelle. De plus, nous aimerions souligner à quel point il est essentiel de créer des réseaux au-delà de la sphère physique. Nous partageons l'avis de Judit Carrera : « À l'avenir, les arts de la scène seront un mélange d'expériences in situ et numériques. » Les espaces culturels ont une dimension politique, dans la mesure où les espaces publics et les espaces numériques sont également privatisés, et moins publics que nous le pensons : nous devons donc nous battre pour ces biens communs.

En résumé, nous avons formulé quatre points que nous vous invitons à lire, discuter, partager et développer :

1) La digitalité est une chose inextricable qui reflète la réalité complexe de la société contemporaine. Elle la rend encore plus complexe, et lui ajoute une couche supplémentaire. Nous avons besoin de la comprendre, mais en réalité, nous ne serons jamais en mesure de la comprendre entièrement (tout comme les machines, qui ne se comprennent pas toujours elles-mêmes).

2) La création, la planification et la réalisation d'un cycle de débats transnationaux entièrement organisés en ligne représentent des enjeux très différents pour l'ensemble de l'équipe.

3) Comment les institutions publiques, qui assurent la promotion de la culture à l'étranger, peuvent-elles soutenir les agents culturels aujourd'hui ? Cette question reste ouverte, mais nous pensons qu'il sera plus facile d'y répondre si nous tenons compte des phénomènes locaux et mondiaux de la condition numérique. Cette question reste ouverte, mais nous pensons qu'il sera plus facile d'y répondre si nous tenons compte des phénomènes locaux et mondiaux de la condition numérique.

4) Nous avons besoin d'espaces communs où nous pouvons nous rencontrer, partager et vivre ensemble dans la vie réelle et en ligne. Créons des options au lieu de nous lamenter ou de perdre des occasions. Tous ces bourgeons finiront peut-être par se transformer en fleurs...

Il s'agit d'une invitation à partager les espaces avec les institutions, les artistes, les interprètes, les agents culturels, les éducateurs, les théoriciens et les amis des arts de la scène : FUSIONNONS LES ESPACES !

ANNEXE

Ce cycle de débats est le fruit d'une collaboration transnationale qui n'aurait pas été possible sans les outils numériques. Jusqu'à aujourd'hui, nous avons travaillé ensemble à distance par vidéoconférence, à travers des programmes de chat et le partage de documents. Cela vaut pour la quasi-totalité de l'équipe qui a rendu ces débats possibles. Un grand merci à Ester Criado, Teresa Carranza Ramos, Iolanda Batallé, Silvia Gonzales et Sophia Jereczek de l'Institut Ramon Llull, et à Ursula Wahl du Goethe Institut.

Ce cycle était une entreprise conjointe de l'Institut Ramon Llull et du Goethe Institut de Barcelone, que nous tenons tous deux à remercier chaleureusement de nous avoir fait confiance et de nous avoir donné carte blanche pour le format des débats et les invités.

À propos des participantes

Judit Carrera est directrice du Centre de Cultura Contemporània de Barcelona (CCCB), un centre culturel multidisciplinaire qui aborde les principaux enjeux de la société contemporaine à travers différents langages et formats. Nous l'avons invitée pour sa capacité à nous donner une vision profonde et ouverte sur la façon dont la situation actuelle a changé la relation entre les arts, le public et le numérique dans de nombreux domaines culturels.

Laia Durán est une danseuse, créatrice, professeure de danse et assistante de mouvement. En tant qu’artiste, elle a travaillé au sein de compagnies de danse en Suisse, en Allemagne, en Hollande, au Danemark et en Espagne. Depuis 2012, elle fait partie de la compagnie La Veronal. Elle a également créé HOTEL Colectivo Escénico.

Anna Giribet est directrice artistique de FiraTàrrega, après en avoir été directrice artistique adjointe. FiraTàrrega est un marché international des arts de la scène visant à l'internationalisation des créateurs et à la création d'alliances stratégiques pour le développement international de productions et de circuits dans le domaine de l'art de la rue.

Gila Kolb est chercheuse en éducation artistique. Elle dirige la chaire de recherche en didactique des arts à l'école PH Schwyz, en Suisse. Elle est cofondatrice d'agency art education et rédactrice en chef du blog trilingue the art educator's talk. Ses recherches et son enseignement portent sur l'éducation artistique post-numérique, les stratégies d'agentivité, le désapprentissage dans l'éducation artistique et la pratique du dessin contemporain dans l'éducation artistique.

Martina Leeker est chercheuse et artiste. Elle mène ses recherches sur la digitalité et la performativité en tant qu'universitaire, mais aussi dans le cadre pièces de théâtre. Elle est donc experte dans la mise en scène, le corps performant et la digitalité.

Fefa Noia a travaillé comme metteuse en scène, auteure, dramaturge et traductrice. Elle est actuellement directrice adjointe du Centro Dramático Nacional après avoir dirigé pendant quatre ans le Centro Dramático Galego.

Alla Popp est une artiste des médias numériques et de la scène. Son regard féministe se concentre sur les avancées de la technologie numérique, dans un débat dont les théories et les phénomènes façonnent nos visions de l'avenir.

Konstanze Schütze est commissaire d'exposition et éducatrice d'art et maître de conférences. Elle enseigne et mène des recherches sur la médiation artistique, l'éducation sur les médias et la théorie des médias. Alla et Konstanze font toutes les deux parties de la plate-forme/du collectif des arts de la scène post-numériques queer-féministes « dgtl fmnsm ».

Mónica Rikić est une artiste des nouveaux médias qui vit et travaille à Barcelone. Son oeuvre se centre sur le code, l'électronique et les objets non numériques pour créer des projets interactifs souvent présentés comme des jeux expérimentaux. Elle s'intéresse à l'impact social de la technologie, à la coexistence humain-machine-humain et à la réappropriation des systèmes technologiques pour les redéfinir à travers l'art. De l'approche pédagogique à l'expérimentation sociologique, ses projets proposent de nouvelles façons d'interagir avec notre environnement numérique.

Alina Stockinger est fondatrice et membre d'Eléctrico 28, un collectif théâtral qui nourrit l'écosystème de la vie quotidienne humaine (et animale) présenté dans des spectacles de rue immersifs faits avec cœur et humour, tels que [ The Frame ] et Stellar Moments of Humanity.

Kathrin Tiedemann est directrice artistique et directrice générale de FFT Düsseldorf (fft-duesseldorf.de) depuis août 2004. FFT est une maison de production consacrée aux arts de la scène opérant dans toute l'Allemagne et à l'échelon international, et qui s'intéresse tout particulièrement aux arts de la scène pour le jeune public.

Aina Tur est une dramaturge et gestionnaire culturelle. À l'heure actuelle, elle supervise la programmation de la Sala Beckett/Obrador Internacional de Dramatúrgia et est membre du comité consultatif du Centro Dramático Nacional. Elle a publié des pièces de théâtre, des récits et des essais. Elle est diplômée en langue et littérature catalanes (Universitat Oberta de Catalunya) et en gestion de projet (Universidad de Deusto), et a également suivi des études de théâtre (Col-legi de Teatre de Barcelona) et d'écriture dramatique (Sala Beckett).

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