Cette œuvre, qui part de la bijouterie, a toutefois éludé les canons de la rhétorique classique pour conquérir une « vitalité » propre et extraire le démon de la matière qu’elle travaille. Cette œuvre nous est livrée nue ; à fleur de pierre, de bois, de marbre, d’agate, d’albâtre ou de polystyrène, dégrossie, polie et affinée jusqu’à l’épuisement. Une œuvre innomée, allergique à la parole, éprise d’intempérie. Une œuvre tout en autarcie.

C’est ainsi que Naxo Farreras a trouvé dès le départ la force expressive de la forme en elle-même. Chaque œuvre nous apparaît comme le corollaire d’un jeu de tensions formelles, à travers les rythmes compositionnels, la densité des masses, les concavités et les convexités des différents plans, la texture de chaque matériau et la couleur des surfaces. Les impulsions occultes de la matière, en somme : sa vie secrète, que seules des mains très habiles parviennent à percer. Des sculptures qui naissent aussi bien d’un dialogue avec le monde organique et géologique que d’une démarche intense d’introspection. La sculpture comme chemin vers soi-même. D’où la double pulsion qui tiraille chacune de ces œuvres, et qu’il leur faut à grand-peine concilier : de l’intérieur vers l’extérieur, mais plus encore, de l’extérieur vers l’intérieur.

Comme elle a été exposée au musée Can Mario de la Fondation Vila Casas (2021) ou telle qu’on la trouve dans son atelier du quartier de la Marina del Prat Vermell, l’œuvre de Naxo Farreras se présente à nous comme un tout compact, doué d’une organicité qui la parcourt et la lie de bout en bout : il s’agit sans doute de son vecteur principal, et du plus déterminant. Toutes ces œuvres dialoguent entre elles de façon synchronique, au-delà du temps, des matériaux et des noms. Comme si elles répondaient à une seule recherche, un même élan, à un propos primitif même, qui les meuvent depuis le jour où il a réalisé que ce n’était plus un bijou qu’il avait dans les mains, mais bien une sculpture in nuce : façonner une œuvre tridimensionnelle, entièrement autonome, affranchie de toute servitude, centrée seulement sur elle-même ; bien qu’une lecture approfondie la situerait dans le sillage de la sculpture post-brancusienne, aux côtés de Jean Arp, Oteiza, François Stahly, Marcel Martí ou Néstor Basterretxea.

Àlex Susanna, directeur artistique de la Fundació Vila Casas et commissaire de l’exposition

Vernissage mardi 16 novembre 2021 à partir de 17h30

Centre d'études catalanes - Faculté des Lettres de Sorbonne Université

39 rue du Bourg Tibourg 75004 Paris – Métro : Hôtel de Ville (lignes 1 et 11)

Entrée sur invitation

Inscription indispensable auprès du secrétariat avant le 15 novembre

Tél : 01 42 77 65 69 – Courriel : lettres-etudescatalanes-secretariat@sorbonne-universite.fr